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Yoshoku
par Raphael
Le sushi est le plat le plus connu du Japon, mais la plupart des Occidentaux seraient surpris d'apprendre que, selon un sondage fait en 2005 auprès d'écoliers de primaires et de collégiens, le sushi arrivait ex æquo à la première place avec un plat appelé « kare raisu », ou « curry rice » (riz au curry), un plat qui ne vient pas du tout du Japon. Le riz au curry est juste un plat parmi tant d'autres dans la catégorie culinaire « yoshoku », qui veut dire mot à mot « nourriture occidentale ». Les restaurants servant du yoshoku se trouvent partout, et cet hybride entre cuisine japonaise et cuisine mondiale tire ses influences du monde entier : le curry d'Inde, les spaghettis d'Italie, le « Hamburg steak » (steak de Hambourg), qui fait référence aussi bien à l'Allemagne qu'aux États-Unis, et bien d'autres encore. Cependant, ces plats étrangers sont rarement présentés de manière purement authentique. Ils sont souvent mélangés avec des ingrédients locaux et des techniques qui conviennent au goût des Japonais.
Le yoshoku n'est pas nouveau au Japon : il s'est développé pendant un siècle et demi, depuis que le Japon a rouvert ses frontières à l'Occident. Les chefs cuisiniers japonais devaient adapter leur cuisine au palais japonais et aux ingrédients qui étaient disponibles à cette période. Par exemple, il n'est pas rare dans le yoshoku d'assaisonner les plats avec du ketchup plutôt qu'avec des tomates fraîches ou de la sauce marinara (sauce italienne faite avec des tomates et des oignons), parce que quand certains plats yoshoku comme les spaghettis à la Napolitaine ou l'omu raisu (une omelette fine enroulée autour de riz au ketchup) ont été inventés les tomates fraîches étaient rares au Japon. Bien qu'on y trouve les tomates en grandes quantités maintenant, ces plats yoshoku ont maintenant leur propre tradition. Réintroduire des ingrédients qui seraient plus « authentiques » changeraient les plats que beaucoup de Japonais ont appris à aimer.
Les résultats des études mettent en évidence la popularité du yoshoku. Une de ces études suggèrent que les Japonais mangent en moyenne du riz au curry quatre-vingt fois par an, c'est-à-dire plus d'une fois par semaine, faisant du Japon une des nations les plus consommatrices de curry. À part le riz au curry, l'omu-rice, le steak, les cakes, la pizza et les pâtes à l'italienne se sont tous classés dans les top dix des plats favoris des enfants de moins de 15 ans. À Kappabashi, où les magasins d'ustensiles de cuisine s'alignent dans les rues, des répliques en plastique de nourriture utilisés dans la restauration sont disponibles à la vente. Acheter cette fausse nourriture réaliste comme souvenir est devenu tellement populaire chez les touristes que des versions d'omu-rice et d'autres plats yoshoku ont été fabriqués sous la forme d'aimants à mettre sur le réfrigérateur ou de dragonnes pour les téléphones portables. Le yoshoku est clairement une partie importante de la pop-culture japonaise, mais il fut un temps où la nourriture occidentale était étrange et intimidante pour les Japonais.
Dans la cuisine japonaise traditionnelle, le poisson et le riz sont les deux éléments les plus importants. Le riz a longtemps été considéré comme le pilier de tout repas japonais : tout ce qui était mangé en plus était considéré comme un accompagnement au riz. En tant que nation insulaire avec de grands littoraux, le Japon a toujours bénéficié d'une réserve de poisson, qui, avec le soja, a été la principale source de protéines du Japon. Au VIIème siècle, selon les préceptes bouddhistes, l'empereur Tenmu interdit l'abattage de bétail pour obtenir de la viande, ce qui fit baisser la popularité de celle-ci. Même quand les Européens arrivèrent au XVIème siècle, leurs pistolets eurent du succès plus rapidement que leur cuisine riche en viande, qui ne plaisait pas à la majorité des Japonais. Au XVIIème siècle, le shogunat ferma le Japon à la plupart des étrangers, limitant le contact avec l'Occident jusqu'en 1853, année où l'amiral américain Matthew Perry força le pays à s'ouvrir vers l'Ouest.
Pendant cette période, le Japon commença rapidement à expérimenter la technologie et la culture de l'Occident. Perry amena même de la nourriture occidentale pour l'offrir aux autorités qui avaient rendu la fin de l’isolationnisme officielle : le vin, les steaks de bœuf, et le mouton en particulier furent des révélations pour ces diplomates. Comme le gouvernement japonais essayait d'améliorer la condition physique des ses citoyens, ils encouragèrent les gens à manger de la viande. Pendant les réceptions diplomatiques, on servait souvent de la nourriture française, ce qui fut vu comme une approbation officielle de la nourriture étrangère.
Néanmoins, beaucoup de Japonais avaient encore du mal à manger de la viande. À Yokohama, une grande ville portuaire où beaucoup d'étrangers vivaient, et aussi le lieu d'invention d'un ragoût de bœuf yoshoku, le « gyuu nabe », mélanger des ingrédients japonais dans des plats occidentaux aida à augmenter la popularité du yoshoku. Ajouter de la sauce miso au gyuu nabe le fit devenir savoureux pour les palais japonais. Un autre exemple est la côtelette de veau : on la faisait d'abord frire avec une poêle dans du beurre à la française, mais ce plat ne convenait pas aux japonais consommateurs de yoshoku, qui n'étaient pas habitués au beurre. Un chef cuisinier eut l'idée d'utiliser la même technique de friture que celle utilisée pour les tempura (une sorte de beignet japonais) pour frire les côtelettes. Beaucoup considèrent que ces expérimentations sur le yoshoku illustrent la tendance qu'a le Japon à accepter des choses importées d'autres pays, mais aussi de les adapter et de les redéfinir dans un contexte japonais.
Comme le séisme de Kanto de 1923 a détruit une grande partie de l'est du Japon, les villes reconstruites incluaient beaucoup plus de restaurants yoshoku, et la tendance à l'occidentalisation ne fit qu'augmenter. Bien que le yoshoku n'était souvent pas cuisiné à la maison à cette période, après la seconde guerre mondiale les forces d'occupation ont promu le yoshoku comme aidant à améliorer la santé et la force. Couplé avec la boom économique des années 1950 – qui rendit les appareils électriques occidentaux disponibles, amena les émissions de cuisine à la télévision et augmenta le temps de loisirs ainsi que le revenu des Japonais – on fit de plus en plus de yoshoku à la maison.
Les versions yoshoku des plats sont souvent très différentes des originales. Le curry japonais, par exemple, est rarement épicé et quelquefois adouci avec du miel, de la pomme ou du yaourt. Dans les spaghettis japonais, les nouilles sont souvent courtes pour pouvoir les manger plus facilement avec des baguettes. Les pizzas arborent souvent du maïs, de la mayonnaise, ou des crevettes comme garniture. Cependant, beaucoup plus de Japonais ont l'opportunité d'aller à l'étranger maintenant et les villes japonaises sont beaucoup plus cosmopolitaines et internationales. On trouve de l'authentique et savoureuse cuisine étrangère dans beaucoup d'endroits au Japon, mais le yoshoku est une cuisine à part, le résultat hybride de la nécessité et de l'expérimentation, qu'on ne peut trouver qu'au Japon.
Crédits photos :
- http://ja.wikipedia.org/wiki/%E3%83%95%E3%82%A1%E3%82%A4%E3%83%AB:Korokke.jpg
- http://en.wikipedia.org/wiki/File:Hayashi_rice.jpg
Saki-Chan
Moi aussi j'adore le curry, c'est un de mes plats préférés mais je ne pense pas que le curry japonais, le curry indien et le curry que je fais à la maison ont le même gout xD Je suis curieuse de savoir comment c'est chez eux ^^
Bonne journée ;)